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Vos réactions autour des films à l'affiche du cinématographe.

Communiqué de l’AFCAE et du SCARE aux spectateurs des salles du mouvement art et essai.

Amis spectateurs,
Au moment où les César attirent l’attention sur le cinéma français, le mouvement art et essai des salles indépendantes se doit
de vous informer de ses vives inquiétudes.
Vous connaissez les principes sur lesquels fonctionne en France l’activité cinématographique, de la production à la projection
en salles : une activité commerciale au sein d’une économie de marché, mais encadrée et régulée par le Centre National de la
Cinématographie (CNC), qui joue également un rôle incitatif dans la création et la diffusion. Le principal outil de cette
politique est le fonds de soutien, géré par le CNC, et alimenté par les taxes venues des salles (sur chaque billet), des chaînes, de
la video, etc. Ce fonds est inséparable du principe de solidarité qui a jusqu’ici régi le fonctionnement de la profession.
Ainsi, avec une production de 200 films par an, un parc de 2 000 cinémas jusque dans de très petites communes (plus de 1 000
communes s'impliquent dans la vie de leur cinéma) et une fréquentation de 170 millions d'entrées qui maintient une large part
à la production nationale et à la diversité, le cinéma français est considéré comme un modèle par nos voisins européens.
Ce modèle est une illustration des bienfaits de l'exception culturelle, qui pose en principe qu’une oeuvre ne saurait être
considérée comme un simple produit du marché. C’est ainsi que l’Etat et les collectivités se sont depuis 25 ans engagés dans
une démarche d’aménagement culturel du territoire, et que des actions culturelles et éducatives se sont développées autour de
l’activité de salles, la plupart classées art et essai.
Mais tout cela, qui demande beaucoup de passion et de dévouement, est par nature fragile, et dépend du maintien de quelques
financements, souvent modestes. Or, on constate cette année une baisse inquiétante des aides apportées par l’Etat à des
associations régionales, à des festivals, à des organisations culturelles intervenant dans le cinéma. Nous avons exprimé notre
inquiétude et nos attentes auprès des pouvoirs publics et, de notre place d’exploitants, nous sommes solidaires des festivals et
associations qui sont ainsi directement menacés. Nous attendons les réponses à ces inquiétudes.
Nous sommes en même temps confrontés à de profondes mutations dans les industries de la communication et de
l’audiovisuel, et de l’exploitation. Après la prolifération des multiplexes et l’installation des cartes illimitées, l'arrivée
annoncée de la diffusion numérique peut se révéler une étape de plus dans les processus de concentration et de conquêtes de
parts de marché. C’est pourquoi il faut réagir, calmement mais fermement, lorsque quelques grosses entreprises d’exploitation
prennent l’initiative d’actions juridiques et médiatiques, et de pressions, pour réduire au maximum le terrain d’activité
(présenté comme une concurrence déloyale parce que publique ou subventionnée) de cinémas indépendants Art et Essai (privés
comme le Comoedia à Lyon, municipaux comme le Méliès à Montreuil, associatifs comme le Jean Eustache à Pessac).
On voit ainsi se dessiner le projet d’un nouveau paysage du cinéma, avec ses salles de première exclusivité, et ensuite, toutes
les autres ; le marché d’un côté, la culture de l’autre, sauf quand elle atteint un marché. Il y a là un véritable risque de retour à
un cinéma à plusieurs vitesses, mettant en cause la tradition de diversité et le principe de solidarité qui fondent notre vie
culturelle.
Nous ne voulons pas d’une évolution qui en finirait avec le principe de l'exception culturelle et qui conforterait la loi du plus
fort : il faut poursuivre et rénover une politique volontariste qui défend l'intérêt général du public, des oeuvres, des territoires.
Cela concerne tous les cinémas du mouvement art et essai, qu’ils soient privés, publics, associatifs. Ni nostalgiques, ni
corporatistes, dans un monde qui change (pas seulement celui des images), c’est l’avenir que nous regardons. Citoyens et
spectateurs, cela nous concerne tous.

 
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